- JUDAÏSME - Sociologie du judaïsme contemporain
- JUDAÏSME - Sociologie du judaïsme contemporainEn moins d’une décennie, le massacre par les nazis de près d’un tiers des juifs, puis la création de l’État d’Israël (1948), modifièrent radicalement l’image du judaïsme et des populations juives. Jamais l’histoire juive – ni peut-être aucune autre histoire – n’avait connu, en un temps si court, une mutation aussi profonde. La répartition des juifs dans le monde se trouva bouleversée. Mais aussi, par suite notamment de la disparition en Europe centrale et orientale, puis en pays d’islam, de leurs grands centres traditionnels, ils virent se transformer considérablement leur situation démographique, économique et sociale. Enfin, cet ensemble de faits, qui a pour arrière-plan un monde lui-même en évolution rapide et où les rapports entre juifs et non-juifs prennent un aspect nouveau, entraîna des changements profonds dans la conscience et la psychologie du juif.Les juifs dans le mondeDans la plupart des pays, on manque de statistiques très précises sur la population juive; cela tient aux législations sur les recensements et à la difficulté de définir le «juif». De nombreuses recherches de détail permettent toutefois d’obtenir sur la répartition des juifs dans le monde des vues globales qu’on peut résumer dans le tableau ci-dessous, en sachant cependant que ces chiffres n’ont que valeur indicative (à quelques exceptions près, dont celle de l’État d’Israël) et qu’il convient de leur attribuer une marge d’erreur qui, selon les pays, peut varier de 5 à 10 p. 100.Le tableau ci-dessous fait ressortir, au premier coup d’œil, l’ampleur de la persécution nazie, la proportion décroissante du judaïsme européen, la croissance relative du judaïsme américain et la place de l’État d’Israël. Il convient cependant d’affiner quelque peu cette analyse.En Europe, tous les pays (à l’exception de la Grande-Bretagne, de la Suède, de la Suisse et de la péninsule Ibérique) subirent l’occupation allemande. Dans certains pays, la population juive fut quasi totalement annihilée: en Pologne, où vivaient plus de trois millions de juifs (près de 90 p. 100 de pertes), en Allemagne, en Lituanie, en Hollande, en Tchécoslovaquie, en Grèce; la moitié des 800 000 juifs de Roumanie et des 400 000 juifs de Hongrie furent massacrés. En outre, surtout dans les pays situés derrière le «rideau de fer», en Europe centrale et orientale, les populations juives eurent tendance à émigrer, en tant que «personnes déplacées» d’abord, puis sous la poussée du stalinisme et d’un antisémitisme renaissant. C’est pourquoi les seuls de ces pays qui conservent une population juive de quelque importance sont, outre la Russie, la Roumanie et la Hongrie.Dans les pays arabes et musulmans, en Asie et en Afrique, l’hostilité à l’État d’Israël et, plus tard, les effets de la «décolonisation» entraînèrent des émigrations qui vidèrent pratiquement la plupart de ces pays de leur population juive, souvent nombreuse et fort anciennement établie. Ce fut le cas notamment de l’Irak, du Yémen, de l’Égypte, de la Libye. Seules subsistent des communautés relativement importantes en Iran et au Maroc (18 000).D’Afrique du Nord notamment, depuis 1954 et surtout 1962 (à la suite des accords d’Évian et des «incidents de Bizerte»), les juifs ont émigré en masse (il n’en reste que quelques milliers en Tunisie et un millier en Algérie), certains vers Israël et environ 250 000 vers la France, ceux-ci faisant partie intégrante du grand repli des Français sur l’«hexagone». La France s’est ainsi trouvée dans la situation paradoxale d’être le seul pays de la Diaspora à avoir vu tripler sa population juive depuis la Seconde Guerre mondiale: quelque 300 000 juifs vivaient en France avant la guerre; 120 000 périrent sous l’Occupation; on en compte aujourd’hui 600 000 environ.Mais la mutation la plus radicale est évidemment celle de la population juive de l’État d’Israël; sous l’effet d’un taux relativement élevé des naissances, et surtout de l’immigration, elle a quadruplé entre la création de l’État et 1969. De 1948 à 1983, un million et demi d’immigrants juifs sont venus en Israël. Jusqu’en 1951, il s’agissait de gens venus pour moitié d’Europe et d’Amérique (aussi bien sous l’effet de l’enthousiasme que comme «personnes déplacées», ou pour quitter les pays de leur martyre) et pour moitié d’Asie et d’Afrique (juifs chassés de certains pays arabes ou musulmans, ou craignant, dans ces mêmes pays, les contre-coups sur la population juive locale d’une politique anti-israélienne). Au total, quelque sept cent mille juifs «orientaux» furent accueillis en Israël en vingt ans environ. À la suite de ces mouvements, la population juive d’Israël, en 1980, s’établit comme suit, par origines: 57 p. 100 nés dans le pays, 19,1 p. 100 nés en Asie ou en Afrique, 23,9 p. 100 nés en Europe ou en Amérique. Ces proportions se sont modifiées avec l’arrivée des juifs d’U.R.S.S.Notons enfin que, en 1992, si une trentaine de pays (dont quinze en Europe) comptent plus de 10 000 juifs, les sept pays à plus forte population juive (États-Unis: 5 500 000; U.R.S.S.: 1 150 000; Israël: 4 000 000; France: 600 000; Argentine: 215 000; Grande-Bretagne: 354 000; Canada: 310 000) totalisent 90 p. 100 de l’ensemble des juifs du monde.Structures démographique et socio-économiqueEn ce qui concerne la situation démographique et socio-économique des juifs, plus encore que pour leur répartition géographique, l’absence de statistiques précises se fait fortement sentir dans la grande majorité des cas; les données qui suivent ne doivent donc être acceptées que comme des jalons pour un inventaire.Ici encore, les événements majeurs qu’on a rappelés ont entraîné des transformations profondes. En effet, les pays d’où les juifs ont pratiquement disparu étaient ceux où ils menaient – pour une grande partie d’entre eux en tout cas – une vie restée proche des formes traditionnelles, où ils étaient en quelque sorte repliés sur eux-mêmes. Aujourd’hui, ils vivent en très grande majorité dans les pays les plus développés ou, tout au moins (Amérique du Sud), dans les régions les plus développées de leurs pays respectifs.Pour les juifs d’Europe occidentale, d’Amérique, d’Afrique du Sud et d’Australie, cela signifie une urbanisation considérable et un passage massif dans le secteur dit tertiaire de l’économie. Ce phénomène, qui correspond d’ailleurs à une tendance générale dans ces pays, se trouve peut-être encore légèrement accentué en ce qui concerne les juifs eux-mêmes.Aux États-Unis, près de 4 millions de juifs vivent dans les neuf villes qui comptent une population juive de 100 000 âmes ou plus («grand New York»: 2 400 000; Los Angeles: 535 000; «grand Chicago»: 270 000, etc.). En France, plus de la moitié se trouve dans la région parisienne, tandis que l’afflux des rapatriés d’Afrique du Nord a fait passer de 20 000 à 65 000 la population juive de Marseille et de 12 000 à plus de 20 000 celles de Nice et de Lyon. En revanche, les communautés rurales d’Alsace et de Lorraine, tout comme celles d’Italie et de Suisse, sont en déclin.En Israël, la population est urbanisée à 88 p. 100 et quatre villes comptent plus de 100 000 habitants; l’agglomération de Tel-Aviv approche du million d’âmes. Pour l’U.R.S.S., on estime généralement à près de 300 000 le nombre des juifs à Moscou, 150 000 à Leningrad, 170 000 à Kiev.Une seconde conséquence de cette évolution est la rapide croissance, dans la plupart des pays «occidentaux», de la proportion de juifs poursuivant des études secondaires et supérieures, et de ceux qui appartiennent aux professions libérales (enseignants, médecins, juristes), techniques (chercheurs, ingénieurs), commerciales ou administratives. Là encore, il s’agit d’une tendance qui, généralisée dans les pays les plus développés, affecte plus fortement la population juive. Pour les rares pays où l’on possède des données relativement sûres (États-Unis, Canada, Italie), on estime que 80 à 90 p. 100 des juifs actifs appartiennent au secteur tertiaire; d’autre part, on constate, dans la génération récente, un net passage des professions directement commerciales à celles qui relèvent de la technologie et du management.Des exceptions peuvent toutefois être apportées à cette description de la population juive dans le monde, d’abord en ce qui concerne l’U.R.S.S., pour laquelle on ne dispose que de peu de données, et la France, où une grande partie de juifs d’Afrique du Nord forment un prolétariat artisan et ouvrier: dans aucun de ces deux pays, en effet, ne convient la définition monolithique, souvent valable ailleurs, d’un monde juif «bourgeois» et nanti. Et Israël, bien entendu, où la répartition de la population juive active est en variation constante, en raison de l’évolution économique du pays qui tend à développer les métiers «modernes» et les techniques de production fortement mécanisées ainsi que de l’adaptation difficile des juifs venus d’U.R.S.S. (400 000 pour les seules années 1989-1992).Une troisième conséquence de la nouvelle répartition géographique des juifs est une modification de leur démographie. La disparition des centres de vie juive traditionnelle avec leur taux de naissance élevé a provoqué un vieillissement marqué de la population juive dans son ensemble; le taux actuel de natalité reste, en général, inférieur aux moyennes nationales. C’est, après un «boom de naissances» dans les années qui ont suivi la fin de la guerre, un phénomène qui se retrouve pratiquement partout et qui tient à la fois au vieillissement de la population juive et à son «embourgeoisement».Si, en Israël, le taux de fécondité des femmes juives était en 1981 de 2, 71 (contre, il est vrai, 3,94 en 1950 et 5,64 pour les femmes musulmanes), il semble bien se situer en dessous du taux de renouvellement (2,1) dans les pays de la Diaspora. Globalement, les projections pour l’an 2000 prévoient un déclin démographique de la population juive dans le monde (11,8 à 12,9 millions) et un accroissement sensible des personnes âgées de plus de 65 ans.Entre la nostalgie et l’utopieEn dehors de l’Europe de l’Est, les juifs vivent aujourd’hui dans des pays où l’affirmation juive est en grande partie un choix individuel, et où l’association n’a aucun caractère contraignant; ce n’était pas le cas des «pays juifs traditionnels» où, soit en droit soit en fait, les juifs constituaient collectivement une sorte de « minorité nationale». Dans les pays «occidentaux», ils se groupent, plutôt qu’en véritables «communautés», en associations cultuelles pour les besoins religieux, en associations à caractère philanthropique, éducatif ou social, en associations d’«originaires» pour les générations émigrées, et aussi en mouvements de soutien à Israël. Malgré la prolifération de ces organisations, elles ne touchent aujourd’hui, dans la plupart des pays, qu’une proportion qui dépasse rarement 50 à 60 p. 100 des populations juives.Les phénomènes de contestation qui ont secoué le monde occidental (et parfois le monde communiste) en 1968 ont entraîné, dans le judaïsme, la remise en cause de nombreuses valeurs traditionnelles, et, parallèlement, un retour minoritaire mais très sensible à une religiosité très rituelle.Il est notable que la jeune génération juive refuse, pour ainsi dire, de vivre par procuration: elle ne cultive plus la mémoire blessée (ainsi l’Holocauste, de sujet de lamentation, est devenu pour elle thème d’étude et de réflexion) et se défend contre les tentations du passéisme (l’apprentissage du yiddish, du judéo-italien, du judéo-espagnol, etc., n’a d’autre sens que celui d’un effort pour comprendre comment, au sein d’un monde uniformisé, peuvent se constituer de véritables langages – minoritaires – de communication); elle accepte le monde tel qu’il est (l’existence d’Israël au milieu des pays arabes, le statut minoritaire des communautés de la Diaspora, etc.), mais en travaillant à la création de nouveaux types de rapports humains (souvent dans des regroupements spontanés para-communautaires); enfin, elle rejette tout enseignement dont elle ne pourrait faire sien le contenu et en vient par là à préférer aux institutions vieillissantes des formules neuves de convivialité et de fraternité.La dimension religieuse ne suffit certes pas à définir le judaïsme. Celui-ci n’a aucun équivalent de la papauté, autorité suprême qui dirige le catholicisme. D’ailleurs, il n’a donné aucune interprétation théologique rigoureuse des deux grands événements qui l’ont affecté au XXe siècle: l’Holocauste et la création de l’État d’Israël. Toutefois, la résurgence d’une aspiration et d’une vie religieuses ne doivent pas être négligées pour autant. Les mouvements tels que les Havouroth (fraternités «communes») aux États-Unis ou les Jeunesses Loubavitch en France et ailleurs témoignent d’un regain d’intérêt pour une approche religieuse de l’identité juive dégagée de la sécheresse d’un culte «à l’occidentale», purement cérémoniel et non «convivial». Le retour à l’étude des sources bibliques et talmudiques revêt la même signification.Mais on peut aussi observer le renouveau d’autres véhicules culturels de type plus ou moins traditionnel. Ainsi en est-il de la langue hébraïque, dont l’étude se ranime partout dans la Diaspora, et même, plus curieusement, du yiddish, que beaucoup de jeunes se mettent à apprendre. Cette «langue morte», qui fut utilisée par les communautés d’Europe du Centre et de l’Est, attire, en effet, ces nouveaux étudiants par son caractère «authentique» «porteur de vie». D’ailleurs, la littérature juive connaît à son tour un regain de tendresse vis-à-vis de la culture classique dont cette langue est le véhicule; et de nombreux personnages des œuvres juives, américaines ou françaises, sont imprégnés de l’humour «typique» du folklore yiddish. Un regain parallèle se dessine chez les juifs originaires de pays arabes et musulmans, notamment, en France, chez les juifs venant d’Afrique du Nord. Toutefois, une évolution, qui semble prendre la forme d’une recherche, se constate d’André Schwarz-Bart à Patrick Modiano, de Bashevis Singer à Säul Bellow: la littérature descriptive issue du passé cède la place à une quête de «racines» qui s’exprime par différentes voies; recherche d’un père quasi mythique, ambiguïté qui se veut à la fois d’ici et d’ailleurs, ou, au contraire, reconquête d’une identité par-delà la mémoire.Autre trait majeur de la mutation psychologique: l’intégration du politique dans la pensée des juifs et dans leurs institutions. L’attachement à l’État d’Israël en est une cause majeure, mais la lutte contre un antisémitisme, latent ou renaissant, ne saurait être négligée. Cela est devenu particulièrement évident lorsque, antisémitisme et antisionisme se mêlant, se déchaînèrent les attentats terroristes de Paris, Vienne, Rome, Anvers, etc.Dans le même ordre d’idée, une des préoccupations de la communauté porte sur le sort de la population juive d’U.R.S.S. Définie comme une nationalité (par laquelle elle se distingue de la citoyenneté soviétique), celle-ci a été longtemps empêchée de s’exprimer en tant que minorité culturelle et religieuse. Or, dans les années soixante-dix, s’opère en son sein un véritable réveil, qui s’est traduit par une demande accrue d’autorisations d’émigrer en Israël. L’attitude répressive qu’avait adoptée face à ce phénomène le gouvernement soviétique a été, pour un temps, relativement adoucie par la détermination des juifs russes et par les manifestations de solidarité qui se sont déroulées en leur faveur dans de nombreux pays. Cette «libéralisation» de la part des autorités a permis alors l’émigration d’environ 150 000 personnes, dont un grand nombre se dirigeait, au début tout au moins, vers Israël. Après une nouvelle période de refus d’octroyer les visas dans la décennie quatre-vingt, la libéralisation et l’éclatement du régime provoquait un véritable raz-de-marée modifiant les données statistiques des deux pays. Parallèlement, les signes d’une résurgence juive continuent de se multiplier, notamment par le développement de l’étude de l’hébreu et la recherche d’échanges avec les communautés juives d’Israël et de la Diaspora.Israël et la DiasporaAlors que, pendant près de deux millénaires, les juifs ont eu coutume de psalmodier: «L’an prochain à Jérusalem», cette vision messianique du retour en Terre sainte a cédé la place à la réalité que constitue, depuis 1948, l’existence de l’État d’Israël. La population juive mondiale se sent désormais viscéralement concernée par la survie de celui-ci.Intégré au Proche-Orient, Israël vit dans un milieu hostile. Les nations arabes avoisinantes ont mal accepté sa présence. L’aide que lui fournissent les États-Unis détériore son image de marque auprès des pays du Tiers Monde enclins à ne voir dans cet État qu’un bastion avancé de la civilisation occidentale «colonisatrice». En 1983, cinq guerres ont déjà marqué la courte existence d’Israël, d’un État comptant trois millions d’habitants, entouré d’États hostiles dont la population globale approche les cent millions, et diplomatiquement isolé.Plus remarquable, même s’il est relativement limité, est le phénomène de l’alyah , la «montée», l’immigration juive en Israël. Les dernières grandes vagues d’immigration, entre 1961 et 1964 surtout, comportaient une forte majorité de juifs originaires de pays arabes. Depuis lors, l’immigration de masse s’est tarie pour donner place à une «alyah» de choix individuel: juifs d’U.R.S.S. mais aussi de pays occidentaux. Les chiffres à ce sujet révèlent, d’une part, l’attitude des autorités soviétiques, d’autre part, l’évolution des mentalités dans la Diaspora occidentale: 54 000 immigrants en 1973 (dont les juifs d’U.R.S.S.), mais aussi, en Occident, sursaut dû à la guerre de Kippour; de 1976 à 1980, le total des immigrants est de 77 000, les juifs occidentaux étant en nombre croissant. De sorte qu’en 1990 Israël comptait 30,8 p. 100 de la population juive mondiale.Signalons que, parallèlement, existe un mouvement d’émigration d’Israéliens vers les pays nantis; il n’en demeure pas moins que l’on estime que, en l’an 2000, 36 p. 100 des juifs habiteront l’État d’Israël. Les manifestations de solidarité juive prennent des formes très diverses. La communauté américaine, nombreuse, puissante et bien organisée, se révèle être l’appui matériel et politique le plus efficace de l’État d’Israël. Mais les autres communautés occidentales, bien qu’avec des moyens plus restreints, font preuve du même esprit de solidarité: de nombreuses organisations collectent des fonds, informent et sensibilisent juifs et non-juifs à la réalité israélienne.Les difficultés que connaît l’État d’Israël (politique extérieure et situation économique) ne suffisent pas à expliquer l’évolution de ses positions à l’égard de la Diaspora. À l’origine, les dirigeants d’Israël pensaient que la création d’une entité nationale juive finirait par provoquer, grâce à l’immigration, l’extinction de la Diaspora. En outre, les Israéliens éprouvaient une certaine méfiance vis-à-vis des juifs «de l’extérieur», qu’ils jugeaient peu informés des réalités de leur pays. Mais, par la suite, la nécessité d’un renouvellement, d’un resserrement à tous les égards des liens entre Israël et la Diaspora s’est imposée de telle sorte, toutefois, que désormais celle-ci ait son rôle à jouer en tant que telle. Rôle qui s’exprime toujours sur les plans matériel et politique, mais qui prend, en outre, une dimension psychologique, par exemple à travers une collaboration mutuelle dans le domaine éducatif, chacune des deux parties ayant ainsi son mot à dire dans l’élaboration d’un projet socio-éducatif juif.L’évolution d’Israël, qui est parti d’un projet de socialisme utopique pour en venir à s’insérer dans les structures concrètes d’un État, amène la Diaspora à se poser le problème de la possibilité d’une «politique juive» qui serait autre que de défense et qui, sous des formes différentes, aurait sa validité dans d’autres communautés juives que celle d’Israël même; elle se déploierait en cette Diaspora précisément où se développent un besoin d’authenticité et aussi, fait nouveau dans l’histoire juive récente, un besoin de donner une densité plus grande à l’«être juif», en intégrant à la fois religion, forme de vie, culture, histoire et structures de pensée.L’enracinement dans la tradition, millénaire et actuelle, sacrée et quotidienne, l’attachement à l’Israël, dont la création est le fait majeur du judaïsme contemporain, mais aussi la présence aux sociétés ouvertes du monde moderne, par-delà les nostalgies et les tentations d’un repli frileux sur le passé – tels semblent être les traits majeurs qui dessinent l’évolution du juif d’aujourd’hui.
Encyclopédie Universelle. 2012.